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Déchets toxiques, pollution & crime organisé

Posted on July 15 2016 by Jamil El Andaloussi

Déchets toxiques, pollution & crime organisé

Source: http://www.decryptnewsonline.com/2014/08/dechets-toxiques-pollution-et-crime-organise.html

I/ Historique

La problématique du stockage

Les problèmes liés à l’accumulation de déchets en Campanie ont débuté en 1994. Une commission dénommée « Emergenza dei rifiuti in Campania » (Urgence des déchets en Campanie) est créée le 11 février de cette année, sur décret du Président du Conseil des ministres Carlo Azeglio Ciampi (Président du Conseil des ministres, 1994). La raison de ce déploiement exceptionnel était l’accumulation dans plusieurs centres urbains de la région de la Campanie, de déchets, à cause de la saturation de nombreuses décharges. En Italie, les régions sont chargées de l’élimination des déchets, en planifiant la construction d’installations de traitement et les communes sont chargées du ramassage. Or, à cette époque-là, un double dysfonctionnement s’opérait : les régions, qui ont un faible pouvoir décisionnel en Italie, n’avaient pas planifié suffisamment de capacité d’élimination et, face à cette situation, les communes n’ont pu effectuer le ramassage. Du fait de la faible gouvernance de la région de la Campanie, le gouvernement italien a désigné le Préfet de Naples comme substitut à la tête de la procédure d’urgence. Une série de décharges privées ont été rachetées par le gouvernement pour faire face à cette première crise.

En mars 1996, le gouvernement du Président du Conseil Lamberto Dini intervient dans la structure précédemment mise en place et la modifie. Il réinstaure à nouveau la structure initiale. Le préfet de Naples est désormais en charge uniquement du ramassage des déchets alors que la gestion et la planification retournent aux autorités régionales avec pour mission l’élaboration d’un Plan Régional. Celui-ci est présenté en 1997. Il prévoit la réalisation de plusieurs installations. La mise au concours des projets se termine en 2000 et la gestion de ces installations est affiliée à un consortium d’entreprises. Le mandat lui est attribué parce que la Fibe1 a présenté à la région de la Campanie des

coûts de traitement de déchets bien inférieurs à ces concurrents. Le projet proposé comportait une usine de compactage des déchets et une usine de thermovalorisation, le but étant de pouvoir stocker temporellement les déchets et de les incinérer en fonction de la demande. Or il s’est avéré que le consortium n’a pas pu traiter efficacement ses déchets qui se sont accumulés. Les balles

2 qui ont été formées se sont en effet révélées beaucoup trop humides pour être incinérées. La région a aussitôt déposé plainte contre la Fibe. Environ 6 millions de tonnes de ces agrégats de déchets ont donc été stockés en attendant d’être incinérés. En conséquence, le plan d’urgence des déchets en Campanie a été reconduit.

En raison de ce troisième dysfonctionnement dû aux fausses promesses d’un consortium privé externe et à cause de la non-réussite du tri des déchets qui était un des objectifs du Plan Régional, une sérieuse crise survient en 2001. Les déchets s’accumulent dans les régions. La situation est rétablie peu à peu grâce à l’envoi massif de déchets vers la Toscane, l’Umbria e l’Emilia-Romagna. Des convois partent également vers l’Allemagne. Le Plan Régional estime en 2001 que la région a une capacité de traitement des déchets d’environ un million de tonnes dans les décharges et un autre million en incinération.

En 2007, les décharges qui avaient été soulagées par l’incinération arrivent à nouveau à saturation. 2007 est l’année de la crise la plus grave liée aux déchets en Campanie, une situation qui a mené à une intervention juridique de la Commission européenne qui a été motivée par les résultats d’une enquête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’OMS se dit inquiète des conséquences sur la santé de nouveaux risques sanitaires liés aux déchets dans son Rapport sur la santé en Europe (2009). « Une attention particulière devrait être portée aux pratiques illégales et aux rejets de déchets toxiques constatés dans la partie orientale de la Région, qui pourraient avoir de graves conséquences sur la santé, comme on l’a déjà vu dans la région de Campanie en Italie. » (Organisation mondiale de la santé, 2010, p. 42). En outre, une étude italienne, coordonnée par l’OMS, établit que le fait d’habiter à moins de 1 kilomètre d’une décharge clandestine « accroît la mortalité par cancer du foie, du poumon et de l’estomac, ainsi que certaines maladies congénitales ».

Dès lors, c’est le gouvernement de Romano Prodi Prodi qui est obligé d’intervenir directement auprès du Plan Régional. Il débloque des sites de stockage et réfléchit à une régionalisation de la gestion des déchets, alors que le plan d’urgence prévoyait un traitement des déchets centralisé sur un seul site pour toute la région. Le gouvernement italien, sous pression des autorités européennes oblige la région à trouver une solution en quatre mois. Le transfert de déchets vers l’Allemagne reprend. Le gouvernement Prodi nomme Gianni De Gennaro à la tête du plan d’urgence, avec l’objectif affiché de résoudre la crise dans le délai imparti par les autorités européennes. Le plan censé régler la question des déchets prévoit de rouvrir trois décharges et quatre sites de stockage dans les dix premiers jours, de remettre en service les installations de fabrication de balles et enfin de ramener la production quotidienne de déchets à environ 7000 tonnes par jour, grâce à la mise en place d’un système de tri des ordures. Le comité de pilotage doit cependant faire face à l’opposition virulente de la population concernée par les mesures du plan d’urgence. On peut observer là un exemple parfait de l’effet NIMBY3. Les habitants étaient, certes, en faveur d’une solution – et une solution rapide –, mais certains ne souhaitaient pas qu’une décharge soit ouverte à côté de chez eux. « Le syndrome consiste en la reconnaissance de la nécessité de réaliser ces opérations et, dans le même temps, à ne pas vouloir qu’elles soient réalisées près de chez soi à cause d’éventuels

dommages locaux ». Gianni De Gennaro s’est donc résigné et a avoué, lui-même, l’impossibilité de mener à bien les mesures envisagées.

La situation dégénère ensuite sur fond de crise politique en Italie avec la démission du gouvernement Romano Prodi et l’élection du Président du Conseil des ministres Silvio Berlusconi. Ce nouveau gouvernement émet tout d’abord un décret qui sera ensuite converti en loi qui a pour but de créer un véritable plan de gestion régional des déchets dans toute l’Italie. La loi a permis de créer dans les différentes des zones d’intérêt national et militaire dans lesquels des installations pourront être construites.

Au vu de cet élément, Silvio Berlusconi décide dès lors de suspendre le plan d’urgence. Il déclare même dans les colonnes du journal La Repubblica : “qualcuno parlava di una missione impossibile da compiere e invece ci siamo riusciti.”4. Silvio Berlusconi estime que la loi a permis de résoudre la situation. Or, le texte autorise, de par son article 9, le dépôt en décharge de déchets dit dangereux ce qui contrevient à la législation européenne. De plus, la compétence pénale en matière de délits environnementaux commis en Campanie passe de la région à l’Etat italien, via le Tribunal de Naples. Ce changement juridique accélère le procès qui oppose la région de Campanie à l’entreprise Fibe accusée d’avoir mal géré le mandat qui lui avait été confié. Et surprise, le Tribunal disculpe aussitôt l’entreprise Fibe. Or, près de 5 millions de tonnes d’agrégats de déchets sont encore stockés en attente d’être incinérés. Le gouvernement considère pourtant que la crise est terminée et l’état d’urgence est levé le 31 décembre 2009 sur décision du Conseil des ministres5.

Dans son analyse de la situation, Lucia Giuliani, insiste sur le rôle, de la mafia d’une part, mais surtout sur celui des responsables politiques. « Le régime de commissariat extraordinaire a, quant à lui, affaibli les compétences et les responsabilités des institutions habituellement préposées à la gestion des déchets, ce qui semble avoir renforcé la présence de la mafia ». De plus, la coïncidence entre la crise des déchets et la crise du gouvernement italien semble bien étrange. Pire, selon l’auteure, les groupes mafieux auraient profité du Plan d’urgence pour accroître leurs activités. Ils auraient même été « acceptés » par les autorités pour aider au déblaiement des montagnes de déchets. Il en résulte, au final, que la situation dans la région de Campanie peut être considérée comme un imbroglio généralisé, où mafia et Etat cohabitent plus ou moins légalement. Il apparaît donc clairement, et nous y reviendrons, qu’une réforme étatique est plus que nécessaire.

Une condamnation juridique par l’Europe

Nous allons considérer ici, pour commencer, les rapports entre la législation italienne et celle communautaire. La Commission européenne a déposé le 30 octobre 2008 un recours auprès de la Cour de Justice européenne reprochant à l’Italie de ne pas avoir établi, en Campanie, un réseau adéquat et autosuffisant d’élimination des déchets. Ce recours fait suite à la crise des déchets survenue en 2007. La Commission européenne avait déjà procédé à un avertissement le 31 janvier 2008 envers le gouvernement italien.

Selon la Commission, cette situation était source de danger pour la santé humaine et pour l’environnement. Le recours a abouti le 4 mars 2010. Il opposait donc la Commission européenne à la République italienne. La décision de la Cour européenne de justice estime donc que « la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 4 et 5 de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets », pour ne pas avoir « adopté, pour la région de Campanie, toutes les mesures nécessaires pour garantir

que les déchets soient valorisés et éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement, et en particulier en n’ayant pas établi un réseau adéquat et intégré d’installations d’élimination »

6. L’arrêt de la Cour de justice se base sur les articles 4 et 5 de la Directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006.

L’article 4 traite de l’élimination et de la valorisation des déchets. Celles-ci doivent se faire sans risque pour l’environnement. On voit donc bien ici que l’Italie n’a pas respecté ces recommandations, en accumulant des tonnes de déchets qu’elle n’a pu thermovaloriser. La seconde prescription de cet article interdit « l’abandon, le rejet et l’élimination incontrôlée des déchets »7.

L’article 5 fixe des dispositions relatives au réseau d’élimination. Celui-ci doit permettre une autosuffisance en la matière et donc éviter un trop grand transport des déchets, ce qui n’a pas du tout été respecté : l’Italie a exporté plusieurs centaines tonnes de déchets. Il convient toutefois de noter que la Directive 2006/12/CE a été abrogée par la Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 20088. Cette nouvelle directive est entrée en vigueur le 12 décembre 2008. Elle reprend toutefois les mêmes dispositions que la précédente. Ainsi, l’article 4 se retrouve dans les articles 13 et 36, relatifs, respectivement, à la protection de la santé humaine et de l’environnement et à l’application et aux sanctions. L’article 5, est, lui, présent dans l’article 16 relatif aux principes d’autosuffisance et de proximité.

Cette décision de la Cour de justice somme donc l’Italie de prendre urgemment des mesures. Il convient de noter que l’Italie était étonnamment soutenue par la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord dans cette affaire9.

En l’attente du jugement de la Cour de Justice, la Commission européenne avait en outre décidé en 2008 de geler les fonds communautaires destinés à la région de la Campanie, pour un montant total de près de 500 millions d’euros.

Après le dépôt du recours de la Commission européenne, l’Italie avait argumenté qu’elle avait augmenté son taux de collecte ainsi que le recyclage des déchets, en construisant deux décharges et deux incinérateurs. De plus, « elle a invoqué également des inexécutions contractuelles et des comportements criminels indépendants de sa volonté qui constitueraient des cas de force majeure »10. Or, la Cour de justice réfute les arguments avancés par l’Italie concernant la présence de groupes criminels qui auraient entravé le bon fonctionnement de la collecte des déchets : « ni l’opposition de la population ni les inexécutions contractuelles ni encore l’existence d’activités criminelles ne constituent des cas de force majeure pouvant justifier tant la méconnaissance des obligations découlant de la directive que le défaut de réalisation effective et en temps voulu des infrastructures ».

Enfin, toujours selon la Cour de justice, « l’Italie a par ailleurs reconnu que, au terme du délai fixé dans l’avis motivé, les installations existantes et fonctionnelles dans la région étaient loin de couvrir ses besoins réels ».

C’est donc en mars 2010 que parvient la décision finale de la Cour de justice européenne qui condamne l’Italie à régler le problème de l’accumulation des déchets le plus vite possible.`

C’est donc en mars 2010 que parvient la décision finale de la Cour de justice européenne qui condamne l’Italie à régler le problème de l’accumulation des déchets le plus vite possible.

Parallèlement, une nouvelle crise des déchets a eu lieu au début de l’automne 2010, sans que le gouvernement italien ne réagisse.

Le droit européen insère dans les juridictions des pays communautaires des normes de droit interne. Dans notre cas, il s’agit d’une réglementation pénale que l’Italie doit appliquer sur son territoire. A fin décembre 2010 au plus tard, l’Italie aurait dû insérer dans son code pénal la notion de « délit contre l’environnement ». Car jusqu’ici, les activités des éco-mafias étaient répréhensibles et juridiquement recevables pour d’autres délits et non pour celui-là précisément. Il s’agissait essentiellement de poursuites et d’arrestations pour « association mafieuse », pour « fraude douanière » ou encore dans des cas de non-respect de normes anti-pollution.

Le rapport 2010 de l’organisation environnementale Legambiente11 fait état de quelques données chiffrées. En 2009, le nombre d’actes illégaux perpétrés sur sol italien en lien avec la mafia a atteint 28 586, depuis le début des enquêtes judiciaires. 28 472 personnes ont été dénoncées et 10 542 perquisitions ont été effectuées. Toutefois, le rapport note qu’en 2009, le nombre d’arrestations a presque doublé. Comme attendu, pas loin de la moitié des actes illicites se sont déroulés dans les régions où la mafia est traditionnellement présente, à savoir la Campanie, la Calabre, les Pouilles et la Sicile. La Campanie est en tête, avec 4874 crimes, 8400 personnes dénoncées et 104 arrestations. En 2009, l’opération « Demeter », entreprise par les autorités policières italiennes, a permis de séquestrer 30 000 tonnes de déchets illégaux aux mains de la mafia. En plus de la police, les autorités douanières deviennent de plus en plus présentes dans la perquisition des déchets illégaux destinés à la mafia. Le rapport fait état de 7400 tonnes de déchets perquisitionnés par les douanes en 2009, contre seulement 4800 en 2008. Cette tendance indiquerait donc que la mafia se tournerait petit à petit vers le marché international, preuve d’une efficacité des autorités policières sur sol italien. Aujourd’hui, l’organisation Legambiente se félicite des opérations menées avec succès qui ont permis l’arrestation de certains clans mafieux. Ceux-ci étaient en relation avec des centrales à charbon, des élevages bovins ou encore des entreprises de formage de plastiques par exemple.

La mafia italienne : la SA du crime organisé

"Société anonyme", la mafia l'est donc aussi... car c'est une entreprise. Le premier business de Camorra SA, c'est la vente de l'interdit. Avec une tête de gondole très rentable : la cocaïne. Importée de Colombie via les Pays-Bas, la poudre est achetée pure 38 000 euros le kilo et revendue 40 à 70 euros le gramme. Coupée à 20, 30 ou 40 %, la coke dégage une marge pouvant aisément dépasser 100 %. Chaque année, plusieurs dizaines de tonnes de cocaïne sont écoulées à Naples et dans toute l'Italie. Mais le catalogue de Camorra SA offre d'autres produits. Des drogues : cannabis, héroïne et crack ont leurs "supermarchés" à Scampia, avec leurs heures d'ouverture et leurs bénéfices astronomiques. Grâce au seul trafic de drogues, la Camorra engrange chaque année plus de 7 milliards d'euros.

Le business de l'interdit, ce sont aussi les paris clandestins. A côté du traditionnel loto sportif, les mafieux ont mis en place, à Naples, un système parallèle : la boleta. Deux heures avant les matchs de foot, les pushers sillonnent les rues des quartiers camorristes à scooter. Ils encaissent les centaines de mises des parieurs - qui sont bien supérieures à celles autorisées par la loterie légale. Avec, au coup de sifflet final, des gains en cash élevés pour les chanceux. Et, à la fin de la saison, plusieurs millions d'euros de bénéfices pour la Camorra, qui, elle, gagne à tous les coups. Certains clans vont jusqu'à truquer des matchs de série B en achetant des joueurs ripoux.

La Camorra napolitaine, la Cosa Nostra sicilienne, la N'drangheta calabraise et la Sacra Corona Unita des Pouilles réalisent un "chiffre d'affaires" annuel de 140 milliards d'euros, soit 7 % du PIB du pays... Selon l'association de lutte contre le racket SOS Impresa, les mafias disposeraient de 65 milliards d'euros de liquidités, ce qui en ferait le premier investisseur privé d'Italie si elles les injectaient dans l'économie légale. Ces entreprises criminelles dont les chiffres d'affaires sont comparables à ceux de Total, de Bouygues ou de L'Oréal sont le symbole de l’ultralibéralisme. Le commerce et les affaires poussés à leur paroxysme. Le trafic des ordures génère des profits colossaux, c’est la deuxième source de revenus du système, juste après le trafic de drogue.

II/ Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Des bénéfices colossaux et un désastre écologique majeur

Observable dans la distribution, les stations-service, le transport ou les casinos, cette pénétration économique de la Camorra prend une ampleur particulière dans une autre ville de la région, Casal di Principe. Ici, ni cocaïne ni prostituées. Pas de barres d'immeubles défoncées, mais une banlieue pavillonnaire. Bienvenue à Camorra City, la ville de la bourgeoisie camorriste ! Depuis belle lurette, les fortunes tirées des trafics en tout genre ont été investies dans le capital d'entreprises de BTP, de traitement de déchets ou de cliniques. Point commun entre ces sociétés : elles sont éligibles aux marchés publics. C'est, au final, l'un des business les plus rentables : voler, par milliards, l'argent de l'Etat. Pour cela, deux techniques. La première : taxer, d'autorité, une entreprise adjudicataire d'un marché public. Les Casalesi, dont le boss, Michele Zagaria, a été arrêté en décembre dernier, forceraient ainsi Impregilo, leader transalpin du BTP chargé de la construction de l'autoroute Salerne-Reggio di Calabria, à employer systématiquement des fournisseurs et des sous-traitants qui leur appartiennent, avec un surcoût substantiel. Plus radical : faire attribuer un marché à une entreprise que le clan contrôle. En corrompant le donneur d'ordres. Des dizaines de fonctionnaires, maires et conseillers municipaux de Campanie ont été arrêtés pour association mafieuse... Il suffit d'observer la topographie des environs de Casal di Principe, parsemés de terrils d'ordures, de déchets toxiques et de métaux lourds. Durant des décennies, les Casalesi ont fait attribuer à des entreprises qu'ils contrôlaient le marché de collecte et de traitement de déchets dans la région. Une fois ramassées, les ordures n'étaient pas traitées, mais déversées dans les 700 décharges clandestines de la région. Bilan : 7 milliards d'euros de bénéfices par an pour la Camorra, et plus de cent ans pour dépolluer les sous-sols gavés de substances cancérigènes...

Roberto Ferrigno, l'un des fondateurs de Greenpeace en Italie et maintenant consultant en environnement pour plusieurs entreprises en Italie et en Europe, a déclaré que la convention devrait avoir bloqué les exportations des pays riches vers ceux en développement. « De nos jours, l'élimination des déchets dangereux dans les pays en voie de développement est interdite », a déclaré Ferrigno.

Des milliers de tonnes d'un mélange dangereux de l'huile et d’eau recueillies dans la coque d’un navire, de l'huile de cale ont été exportés en Albanie ces dernières années pour retraitement. Mais les experts ont considéré cette activité comme un sujet de préoccupation. La liste officielle des exportations vers l'Italie montre que la source des déchets était Tirrenia di Navigazione SPA, une compagnie maritime qui fait tous les jours Bari Durres-chemin pendant de nombreuses années. En vertu de la Convention de Bâle, les déchets produits dans le cadre de « l'exploitation normale d'un navire» sont régis par la convention MARPOL, la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, ce qui permet à de tels déchets, même s'ils sont toxiques, d'être déchargés dans un port pour éviter de les jeter dans la mer.

Des questions demeurent cependant sur la définition du terme « exploitation normale d'un navire » et certains experts juridiques affirment que les déchets une fois déchargés, la Convention de Bâle

devrait s'appliquer. Ces recommandations ont été présentées dans une lettre adressée au secrétariat de la Convention de Bâle en 2011, établissant une liste de propositions visant à concilier les deux ensembles de règles. Peu importe les lacunes juridiques, un responsable de la marine méditerranéenne REMPEC centre de la défense à l'ONU, qui surveille la convention MARPOL en, dit la quantité d'huile de cale déclarée par la compagnie maritime que l'exportation au Bangladesh était « déraisonnable » et ne peut pas ont été produites par les navires seulement de cette façon.

Au cours des deux dernières années, l'entreprise a exporté plus de 5.000 tonnes de cale de pétrole en Albanie. « J'ai discuté avec mon collègue et il pense aussi que c'est un chiffre raisonnable », a déclaré un officiel du REMPEC sous couvert d'anonymat.

Rodolfo Giovannini commandant des gardes-côtes italiens (cf annexe 4), qui travaille au ministère italien de la protection de l'environnement, a également suggéré que le montant déclaré par Tirrenia était excessif.

Une source travaillant pour l’entreprise Tirrenia, qui a été privatisée et rebaptisée Tirrenia di Navigazione Compagnia Italiana, a toutefois déclaré qu'il n'y avait rien d'inhabituel dans les quantités: « Cela peut paraître excessif, mais pour moi 2.500 tonnes par an, c’est vraiment très peu », a-t-elle ajouté.

L’écologiste albanais Lavdosh Ferruni (cf annexe 7) affirme que le gouvernement de Tirana a fermé les yeux sur ce « fonds de commerce ». Selon lui, « Les autorités n'ont pas manifesté d'intérêt pour la gestion des déchets et la terre est extrêmement polluée par les déchets urbains, qui sont en constante augmentation... Si l'on ajoute d'autres déchets provenant d'autres pays, cela conduira à une pollution irréversible… En fait, c'est quelque chose qui est même déjà arrivé. Nous n'avons pas confiance en nos autorités ».

Les acteurs de la corruption

Ce que l’on appelle communément « mafia » est une organisation criminelle. On parlera de crime organisé. Les membres du crime organisé italien ou européen n’évoquent jamais le terme de mafia. Ils parlent d’organisation ou de « système » (Naples). Organisé en réseaux, souvent comparé à une pieuvre, le crime organisé tire sa force des ramifications étendues qui parcourent tout le territoire italien et s’étendent sur de vastes territoires partout en Europe. Il y aurait eu un « Yalta du crime organisé » il y a une vingtaine d’années pour délimiter les sphères d’influences de toutes ces organisations criminelles qui gangrènent les sociétés. Un Etat comme le Kosovo de création récente (et toujours non reconnu par certains Etats) est dirigé par un chef mafieux. Une véritable « kleptocratie » s’est ainsi développée dans la zone balkanique depuis les bouleversements de 1989. L’état d’esprit clanique (et son côté solidaire) du crime organisé fait souvent oublier son côté impitoyable et criminel. Le système est cruel, mais a une obligation féodale, il doit protéger le bas de la pyramide. Le système a ses règles, non écrites, et les fait appliquer par la terreur et des exemples sanglants que tout le monde peut comprendre et méditer. Le message est définitif et efficace. Localement, les habitants considèrent à Naples que le système est plus fort que l’Etat italien. Le poids de l’Histoire n’est pas à négliger, on ne pourrait pas rayer d’un trait de plume des millénaires de pratiques féodales que la République et même le fascisme n’ont pu éradiquer, ni même enrayer. Lors du débarquement en Sicile en 1943, à la demande du gouvernement américain la mafia de New-York a fait jouer ses ramifications avec Cosa Nostra en Sicile pour permettre aux troupes alliées d’évoluer et de s’implanter sur leur territoire avec des contreparties financières, politiques et juridiques. Le côté éternel de ces organisations fait que supprimer un chef n’empêchera pas celles-ci de survivre et de faire preuve de représailles, en tout temps et lieux. C’est précisément ce qui fait que l’on ne s’attaque pas impunément au système.

Le crime organisé diversifie ses activités, du trafic de cigarettes, de drogue, d’armes à la prostitution

et au trafic de déchets. Sans oublier le jeu, qui répond à un souci majeur du système : celui du blanchiment de l’argent gagné illégalement. Les richesses crées par ces trafics sous-tendent une économie souterraine. Le but du système est également d’échapper au fisc et l’argent qui circule demeure de l’argent liquide intraçable. En Italie, le crime organisé et omniprésent. C'est l’une des mafias les plus anciennes avec celle des triades chinoises. Toutefois, les autres mafias du monde entier utilisent les mêmes modes d’actions et poursuivent les mêmes buts.

Les mafias, nous l’avons vu, agissent en système d’ordre féodal, et sont donc séparées par des fiefs. Il est ainsi très dangereux pour une organisation de s’immiscer sur un autre territoire. Le crime organisé sicilien est l’un des plus célèbres, il s’agit de « Cosa Nostra » (Notre cause). En région napolitaine, on la nomme vulgairement la Camorra. Dans les Pouilles c’est la « Sacra Corona Unita ». Au sud de l’Italie, en Calabre, il s’agira de la ‘Ndrangheta. Mais les membres n’utilisent jamais ces noms pour désigner leurs clans d’appartenance. Ces noms sont utilisés par les non affiliés. Ces organisations criminelles sont fortement hiérarchisées. Le Capo (ou encore parrain) est celui qui se trouve en haut de la pyramide. Il est le protecteur de la « famille ». Entouré d’hommes de confiance, ceux-ci sont entièrement dévoués à sa personne. Ces sous-chefs ont souvent des liens de parenté, mais ce n’est pas une obligation. Le lien est surtout lié au lieu de naissance, à sa région d’origine, son quartier. Lorsque des mafieux ont un souci, la famille trouvera toujours un moyen de le résoudre. Ce « système » (ainsi est nommée la famille par ses membres) influence les populations environnantes. Le système est en définitive une « société anonyme », dans les deux sens du terme. C'est d'abord une communauté homogène et archaïque, sur l'exact modèle des seigneuries du Moyen Age, qui maîtrise des territoires entiers de la région de Naples. Quartiers, villages, ports, zones industrielles, sites archéologiques... La Camorra est partout. Basée sur le modèle clanique et donc familial les chefs sont des patriarches. Un Capo (parrain) qui se respecte est donc marié. Et père de nombreux enfants, tous baptisés. Un membre du système expliquait la situation : « Dans la Camorra, les grandes fêtes, ce sont les mariages, les baptêmes et les communions. On fait venir des chanteurs italiens connus. Après la messe, on organise des banquets et on tire des feux d'artifice dans le quartier ! ». Pour les populations, le « système » apparaît comme intouchable : il vaut mieux l'intégrer que de le gêner.

Le crime organisé n’influence pas seulement le tissu social de son domaine d’action. Il influence également le système politique. Le crime organisé fait souvent aboutir ses projets sans que le public n'en ait connaissance, en toute impunité. L’économie et l’environnement n’y échappent pas. Les mafias ont largement infiltré les activités économiques italiennes. Les procureurs anti-mafia évoquent une influence si importante qu’à titre d’exemple, dans certains secteurs, l’économie est soutenue uniquement grâce aux transactions illicites. Le système permet également à de nombreuses familles en dessous du seuil de pauvreté de vivre. Les mondes politiques, économiques et criminels sont donc interdépendants. Les élus, les fonctionnaires sont donc à tout moment susceptibles d’être corrompus ou de rendre des services aux organisations. Rares sont les personnalités capables de faire face à ces organisations dangereuses. Le juge Falcone fut assassiné en 1992, par une tonne d’explosifs qui explosa sous son véhicule blindé. Il vivait en permanence sous escorte policière.

Concernant le trafic de déchets, le gouvernement italien a refusé de fournir des données pour 2009. Cependant, les données montrent qu'en 2007, près de 2.500 tonnes d'huile de cale, ont été transférées de l'Italie vers l'Albanie. Il s'agit d'une substance qui se trouve dans la partie inférieure de la cuve, qui contient de l'huile et d'autres liquides. Elle est classée comme dangereuse même si à Durres (Albanie) il existe une structure pour y faire face. En 2008, l'Italie possédait des milliers de tonnes de pétrole de cale et des déchets de batteries, qui sont classées comme dangereuses en Albanie. Les experts ont considéré cette activité comme un sujet très préoccupant. La liste officielle des exportations vers l'Italie montre que l’origine des déchets provenait de « Tirrenia di Navigazione.

SPA », une compagnie maritime qui fait tous les jours le chemin Bari - Durres depuis de nombreuses années.

Des médicaments périmés, des câbles métalliques ont également été embarqués, mais ces matières sont classées comme non-dangereuses. La région du Latium, qui inclut Rome, a également envoyé des déchets de construction et des déchets alimentaires au Bangladesh. En 2009, la région de Campanie a exporté vers l'Albanie deux tonnes de déchets organiques contenant de l'encre, des solvants et d'autres substances dangereuses, 200 kg de déchets électroniques, 50 kg de produits fluorés, des déchets qui contiennent du mercure. 1.500 tonnes de « Blige », l'huile comestible et 760 kg de graisse ont été exportées sous forme de déchets non dangereux.

Des noms comme Abrusci et Cerroni (cf annexes 1 et 2), figurant dans la liste noire des patrons exportant des déchets illégaux, ont obtenu des contrats du gouvernement albanais. Ce trafic se maintient malgré les vains efforts des Nations Unies pour défendre les sites d'élimination des déchets.

L'Albanie a dû arrêter l'importation de tous les types de déchets en 2003, sauf avec la permission spéciale du Conseil des ministres. Mais en 2004, un accord entre l’homme d'affaires italien Manlio Cerroni (cf annexe 1) et le gouvernement albanais a annoncé une nouvelle ère dans le commerce des déchets en Albanie. Grâce à sa société, Albaniabeg ambiante, Cerroni a prévu la construction d'un incinérateur de l’autre côté de l’Adriatique. La transaction a échoué en 2005, après la décision du Premier ministre albanais Sali Berisha car il y avait une opposition généralisée.

Mais après quelques années, le clan de Berisha à soutenu les grandes entreprises qui devaient assurer le retraitement des déchets agricoles, la construction des éoliennes et d’autres investissements au Bangladesh. En Novembre 2011, faisant valoir que l'industrie du recyclage naissante au Bangladesh ne peut survivre seulement avec le recyclage des ordures ménagères, le gouvernement albanais de Berisha a approuvé un projet de loi qui autorise l'importation de certains déchets qui sont en ligne avec la soi-disant " liste verte ".

Après une protestation de la part de plusieurs organisations albanaises, le ministre de l'Environnement, Fatmir Mediu, a récemment promis la réduction de la liste des types de déchets acceptables.

Des dizaines d'entreprises italiennes opèrent déjà légalement en Albanie, selon un document officiel du pays. Mais les experts dans ce domaine ont averti que les cabinets d'avocats utilisés par ces firmes sont souvent les masques de groupes liés au crime organisé. L’expert de la mafia italienne et homme politique Lorenzo Diana (cf annexe 3) a déclaré que le crime organisé est entré dans l'exportation illégale des déchets en Albanie. Lorenzo Diana vit sous protection policière depuis 1994, car il a fait campagne contre la mafia. C’est un des membres de la commission parlementaire italienne contre le crime. Il a été nommé directeur du Parti démocrate national pour lutter contre la mafia en 2006.

Europol a également déclaré vouloir mettre davantage l'accent sur les activités illicites de déchets. "Europol a identifié une augmentation du volume des transferts illicites de déchets à travers la frontière", a ajouté le porte-parole, expliquant que le commerce légal est souvent utilisé pour cacher un trafic. Europol indique que l'Albanie, la Roumanie et la Hongrie sont les principales destinations des déchets toxiques de l'Europe du Sud et de l'Italie en particulier.

III/ Les réactions

Les pouvoirs publics

L’Italie est dans une situation environnementale difficile mais son gouvernement ne semble pas enclin à trouver de réelles solutions, malgré les promesses faites par le président du Conseil Silvio Berlusconi depuis des années. Nous pensons notamment à la crise des déchets qui touche Naples depuis des années, sans que les gouvernements, autant de gauche que de droite, ne trouvent d'arrangements suffisamment concrets pour nettoyer la ville et ses environs à long terme. La situation devient de plus en plus urgente car la santé des populations est touchée. L’influence de la mafia n’est certainement pas étrangère à ces conditions. Comme nous l’avons vu plus haut, elle est infiltrée à tous les niveaux et les déchets n’y échappent pas. Le trafic des déchets remonte à la fin des années 80 et fait partie de ce nouveau marché initié par les mafias : l’éco-mafia. De nombreuses enquêtes tentent d’expliquer ce phénomène nouveau. Malheureusement, il est difficile d’y avoir accès.

Le rapport entre la mafia et les déchets n’est pas difficile à trouver : les déchets, dont personnes ne veut et dont les coûts d’assainissement sont élevés, ont une valeur élevée. Les mafiosi sont d’accord sur ce point: les ordures, c’est de l’or! (Saviano, 2009, p. 445). L’avantage des déchets réside dans leur sécurité et leur valeur plus élevée que la drogue ou les armes. L’éco-mafia rapporte des milliards d’euros par an et ce chiffre est en constante augmentation. Dans un article de Fabrice Rizzoli sur les pouvoirs et les mafias italiennes (Rizzoli, 2010, p. 45), on apprend qu’en 2008, le cycle du ciment et déchets avec la zoomafia et l’archéomafia ont rapporté 16 milliards d’euros dans un budget global de 130 milliards d’euros. Ceci représente 10% de la richesse produite en Italie. Il faut toutefois savoir que ces chiffres diffèrent suivant les sources. Mais cela ne change rien au fait que les déchets sont sans aucun doute une des sources de financement les plus importantes. De plus, la marge de progression pour ce marché ne cesse d’augmenter. Les familles de la Camorra l’ont tellement bien compris qu’elles ont ainsi remplacé leurs trafics de drogue. Elles s’investissent pleinement dans le trafic des déchets, devenant même les leaders en Europe, selon le livre de Roberto Saviano (cf annexe 5)

Ce trafic s’organise de manière aisée. Les déchets viennent des entreprises du nord du pays. La mafia se charge de récupérer ces déchets en proposant ses services à des prix bien plus bas que ceux proposés par les canaux officiels. Les déchets sont ensuite acheminés à l’autre bout du pays, où ils seront déversés dans les décharges, illégalement, ou directement dans les champs ou espaces libérés pour l’occasion. Les champs ou décharges sauvages sont achetés ou loués à des prix dérisoires. Cette situation est le prix à payer du fait que les décharges légales du pays arrivent à saturation et sont mal gérées. Elles deviennent donc extrêmement polluantes. La population l’a bien compris et refuse toute nouvelle décharge à proximité des habitations. Elle résiste de manière forte, en manifestant dans les rues ou en bloquant l’entrée des décharges. Des personnes le paient au prix de leur vie, mourant de froid en montant la garde devant l’entrée d’une décharge.

Les mafias profitent donc de cette absence d’organisation et entrainent même un nouveau type d’emploi. Les stakeholders sont un nouveau type de managers, agissant librement entre les industriels désireux de se débarrasser de leurs déchets et les mafias prêtes à faire affaire. Les stakeholders connaissent par coeur les lois et règles nationales et internationales sur les déchets. Les compositions des déchets n’ont également pas de secret et ils savent exactement les endroits où ils peuvent être entreposés en toute discrétion. Une personne seule va se charger de négocier les prix, organiser leur transport et décider du meilleur endroit où ces déchets seront entreposés. Il va s’en dire que ces ordures sont complètement hétérogènes et peuvent être très nocives pour la santé et les écosystèmes.

Cette gestion primaire des déchets industriels est dangereuse. Elle entraine des problèmes environnementaux et sanitaires pour les personnes vivant aux alentours de ces décharges, sauvages ou non, mais aussi pour le reste de la population, y compris à l'étranger. En 2008, la pollution à la dioxine de la mozarella, principalement fabriquée dans la région de la Campanie avec du lait de bufflone, en est un bel exemple . Les exportations avaient alors momentanément été stoppées.

Conclusion

Au terme de cette étude, il ressort que des solutions sont envisageables, mais qu’elles nécessitent une stabilité politique durable. Or, l’Italie ne montre pas, au jour d’aujourd’hui, un quelconque signe de stabilité.

Comme nous le pressentions, il nous a été très difficile de trouver des données chiffrées. La plupart des sources que nous avons trouvées fournissent en effet des tendances, certes parlantes, mais souvent peu précises. Elles ne permettent que très rarement de donner une ou plusieurs conclusions arrêtées et étayées par des données fiables et crédibles. La Convention de Bâle sur l'exportation et l'élimination des déchets dangereux est entrée en vigueur en 1992, comme un effort pour arrêter les pays développés d'exporter, légalement ou illégalement, les déchets dangereux dans les pays en développement. En tant que signataire de cette Convention, l'Italie et l'Albanie sont tenus de fournir les informations relatives à tous les mouvements transfrontaliers de matières chaque année pour le secrétariat de la Convention, qui fait partie de l'Organisation des Nations Unies. Cet accord fait suite à une série de scandales environnementaux regroupés sous le vocable « colonialisme toxique ». Cet accord international est encore largement ignoré dans les pays en voie de développement.

La Convention de Bâle a déclaré être informée du problème, mais n'avait aucun moyen de sanctionner ceux qui violent la loi. « Notre mandat est de recevoir les rapports des fonctionnaires sur ces points. Nous n'avons pas les moyens de voir si des données sont manquantes ou non », a déclaré un porte-parole. Une conférence à l'ONU de la Convention de Bâle en Novembre 2011 a noté que « le niveau de déclaration semble être en déclin ». Un rapport présenté à la conférence a déclaré que sur 166 États membres, 70 pays avaient fourni des « rapports incomplets et en retard », et seuls cinq pays avaient un rapport complet et à temps.

Aujourd’hui, une nouvelle tendance fait craindre le pire aux autorités italiennes et aux organisations environnementales. Comme nous l’avons noté plus haut, le rapport sur les éco-mafias rédigé par l’organisation Legambiente évoque une montée vers le Nord de l'Italie des activités illégales de la mafia. Alors que jusqu’à il y a quelques années les groupes criminels étaient surtout actifs dans les régions du Sud de l’Italie dont nous avons parlé dans ce rapport, il y aurait progressivement une augmentation du nombre des activités illicites au Nord, d’abord dans le Lazio (région de Rome) mais également vers Milan. Le changement ne serait, de plus, pas uniquement géographique. Les activités mafieuses se seraient en effet diversifiées dans un autre secteur : celui de la construction, plus particulièrement celui de la fabrication de béton et de goudron. Une affaire de ce type avait défrayé la chronique au Tessin en 2009, lorsqu’un entrepreneur avait été inculpé pour avoir utilisé des matériaux de construction de mauvaise qualité. Le futur business des activités mafieuses serait donc celui du béton.

De plus, le caractère transfrontalier de ce marché qui s’étend peu à peu hors de l’Italie pose problème. Des ramifications vers la Roumanie, l’Albanie et même la Somalie ont été identifiées. Même si des solutions semblent pouvoir être envisagées (et envisageables) sur sol italien, la question est toute autre dans un contexte international. Jusqu’ici, l’Italie semblait être le seul pays autant touché par ce commerce parallèle. Elle est, du moins, le seul pays à avoir été formellement condamné par la Cour de justice européenne. Il n’est pas question ici d’une quelconque disculpation des autorités italiennes, tant les dysfonctionnements structurels ont été importants et même parfois scandaleux.

Toutefois, il faudrait que la législation européenne soit appliquée de la même manière dans tous les pays et surtout que le contrôle de l’application de celle-ci le soit tout autant. Il serait donc opportun que les autorités européennes prennent à leur tour cette question au sérieux. Par là, nous entendons qu’il est également nécessaire, aujourd’hui, qu’une étude précise soit effectuée, permettant d'évaluer les prix pratiqués sur le marché, les méthodes et circuits de transport, les méthodes d’élimination ou encore les implications concrètes pour la biosphère.

1 En 2000, la société Fibe créée lors du regroupement des activités de traitement des ordures ménagères des sociétés Fisia, Impregilo, Babcock et Evo Oberrhausen, est désignée adjudicataire suite à l'appel d'offres d'État pour la réalisation de l'ensemble d'incinération des ordures ménagères de la région et de la collecte des déchets. Les sociétés Fibe et Fibe Campania sont des sociétés appartenant au groupe Fisia, contrôlé à 100 % par Impregilo.

2 A noter que les agrégats de déchets destinés à l’incinération étaient appelés « écoballes » car destinés à une usine de thermovalorisation. La presse italienne ironisait déjà à l’époque sur ce terme faussement utilisé et sur le fait que le mot « balle » signifie « mensonge » en italien…

3 NIMBY ou Nimby est l’acronyme de l'expression « Not In My BackYard », qui signifie « pas dans mon arrière-cour ». Le terme est utilisé péjorativement pour décrire soit l'opposition par des résidents à un projet local d’intérêt général dont ils considèrent qu’ils subiront des nuisances, soit les résidents eux-mêmes

4 « Certains parlaient d’une mission impossible à réaliser, bien au contraire, nous y sommes parvenus ! »

5 Consiglio dei Ministri, 2009

6 Cour de justice de l’Union européenne, 2010a, p. 8

7 Parlement européen et Conseil de l’Europe, 2008, p. 9

8 Parlement européen et Conseil de l’Europe, 2008, p. 3

9 Cour de justice de l’Union européenne, 2010a

10 Il s’agit ici d’extraits d’un communiqué de presse faisant suite à l’annonce de l’arrêt de la Cour de justice européenne.

11 Fontana & Venneri, 2010, p. 28-29

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